1eres Scientifiques – Ouest-France – article du 31/08/2017

1024 655 Sainte Anne Brest

Brest. Rentrée : « Tu ne vas pas en 1re scientifique ? T’es folle ! »

Serait-ce la revanche des littéraires ? La filière L souffre d’une mauvaise image. Manon, brillante élève, l’a pourtant choisie. Par passion de la littérature.

Sa décision a surpris, voire choqué. « Des gens de ma classe ont fait une drôle de tête. Ils m’ont dit : « Tu ne vas pas en 1re S ? ! T’es folle ! Quand tu vas en L, c’est que tu ne peux pas faire S !! »

Manon Mazurais, 16 ans, lycéenne à Sainte-Anne, s’en amuse. Sa décision est prise. Elle a été réfléchie. Et elle est sans appel. Manon continue en 1re L (littéraire). « Je veux devenir professeure de français à l’étranger ».

Elle aurait pourtant pu continuer en S (scientifique). Cette élève brillante a survolé ses quatre années de collège, à Kerallan, à Plouzané. Une tête de classe. Avec des 18/20 de moyenne générale, et les « félicitations » du conseil de classe.

Son année de seconde, en section internationale anglais, a été tout aussi remarquable, y compris en maths. Mais sa passion pour la littérature est la plus forte. « J’ai toujours eu des bons profs de français. Ça m’a donné envie ! »

Emile Zola et Harry Potter

Manon adore Émile Zola, mais aussi les mangas et autres Harry Potter. Elle aime aussi la physique et la biologie, et les sciences en général. Mais elle les préfère sous forme de connaissances ou de documentaires. « Pas pour les études. J’aime moins la façon dont ces disciplines sont enseignées. C’est trop spécialisé. »

En première, elle prendra quand même l’option maths (il y a aussi l’option « droit et grands enjeux du monde contemporain »)… Après le bac, elle voudrait poursuivre en classes prépas aux grandes écoles littéraires.

Ses parents – un père scientifique, une mère banquière – ont dit OK. « Ils me soutiennent. »Les enseignants aussi. « Ma prof de français est fière, tout comme ma prof de littérature anglaise. Ma prof de physique était un peu triste. Mais ils m’ont encouragé à suivre la filière de mon choix. »

Si le choix de Manon peut surprendre, c’est que la filière littéraire souffre d’une mauvaise image. Elle serait un choix par défaut pour des personnes fâchées avec les maths et aurait peu de débouchés. Alors que la filière scientifique est considérée comme « la » voie royale vers les grandes écoles prestigieuses.

Dans la classe de Manon, sur 28 élèves, 18 poursuivent en S, 7 en ES et seulement 3 en L ! Cette année, au niveau national, en baccalauréat général, 51 % des lycéens étaient en S, 32 % en ES… et 16 % en L.

Mais pour Manon, cette filière incarne plutôt la rigueur. Il en faut pour bien écrire (le français, c’est coefficient 3 à l’écrit et 2 à l’oral) et bien exprimer ses idées (philosophie, coefficient 7).

Le député aussi

Il est d’autres exemples de Brestois connus qui ont choisi L plutôt que S, alors qu’ils avaient aussi des capacités scientifiques. Jean-Charles Larsonneur, nouveau député, avait même commencé sa terminale S quand il a changé de filière après avoir cartonné au bac de français (19/20 et 20/20). « J’ai toujours été passionné par les lettres et l’histoire », expliquait-il, dans nos colonnes, le 20 juin dernier.

Son challenger à la députation, Pierre-Yves Cadalen, qui est aussi un ancien de Sainte-Anne, a aussi choisi L plutôt que S. « Pour l’ouverture d’esprit et le sens critique. » En seconde, il était pourtant le meilleur de sa classe en maths ! « Une prof a dit que c’était du gâchis. Mais je me serai ennuyé en S ! » Lui aussi avait le soutien de ses parents. Il a fait un double cursus après le bac : philosophie et Sciences Po Paris.

Jean-Charles Larsonneur a continué à l’IEP de Lille et est diplomate. Le second est doctorant au Centre de recherches internationales (Sciences Po – CERI).

Ces cas restent rares mais réguliers. Mais Isabelle Beauvillard, directrice de Sainte-Anne, explique. « Tous les ans, on en a un ou deux, des élèves passionnés de littérature qui bifurquent vers la L. Souvent, ils sont déterminés, avec un choix précis de leur projet professionnel. »

Les résultats au bac sont bons avec 100 % de réussite cette année ! Pour Isabelle Beauvillard : « On peut faire une belle carrière autrement qu’avec un bac S. C’est le projet du jeune qui est important. »